Page 12 - Bulletin n°45

PESSAH, DE LA CULTURE A LA MORALE
jean-claude saada
»Je suis l’Eternel, votre D., qui vous a fait sortir d’Egypte, de la maison d’esclavage.»
Nous le savons que l’Egypte est la maison d’esclavage ! Pourquoi cette double précision ?
D. nous dit peut-être : regardez les Egyptiens, le summum de la culture de cette époque... Ils avaient des papyrus, des technologies de construction exceptionnelles, des pyramides, une incroyable technique d’embaumement, une grande maîtrise de l’astrologie et des arts, des hiéroglyphes, des connaissances en chirurgie cérébrale et des réalisations dans tous les domaines possibles...
Et pourtant... l’Egypte fut aussi la maison d’esclavage, le pays qui décréta que des petits garçons, des bébés soient jetés dans le Nil, d’autres insérés dans des murs comme des briques pour remplacer celles que les parents ne parvenaient pas à fabriquer en assez grand nombre... En poussant un peu plus la réflexion, on peut supposer que D. nous dit que si nous voulons suivre la culture dominante du moment, nous finirons peut-être par être les barbares les plus cultivés au monde.
Dans un magazine, j’ai lu l’anecdote rapportée par un rabbin américain, et que je vous résume ici.
Sa grand-mère fut une actrice prometteuse dans le Paris des années trente. Fort belle femme de caractère, sous l’occupation nazie elle fut une résistante active sous les apparences de la grande bourgeoise qu’elle était, protégeant et sauvant quantité de juifs. Un jour qu’elle devait récupérer des gants à la boutique Hermès, elle s’y rendit naturellement et se heurta à une zone bouclée, quadrillée par les véhicules de l’armée allemande ; impossible de pénétrer dans le magasin, les portes étaient closes. Goering y faisait des achats. Des officiers, des gardes du corps... l’espace était envahi par des uniformes vert-de-gris. Malgré sa peur, elle décida d’y aller quand même. Connaissant parfaitement le quartier et la boutique où elle avait ses habitudes, elle se faufila par une porte arrière, celle des employés. Audacieuse, elle s’adressa à une vendeuse qui la prit pour une célébrité puisqu’elle
était présente parmi tous ces officiels, récupéra son bien et, comme un fait exprès, se retrouva côte à côte avec Goering devant la porte pour sortir. Comme un gentleman il s’effaça devant elle et la fit passer avant lui avec un « les dames d’abord ». Elle remercia, partit et continua ses activités de résistante.
L’auteur continue en rapportant les paroles de sa grand- mère : « Ne confonds jamais culture et moralité, me disait ma grand-mère. Est-ce que Goering était cultivé ? Bien sûr ! Il était d’une lignée aristocratique, un protecteur des arts et un spectateur assidu de l’opéra. Il pleurait sûrement lorsqu’il entendait les magnifiques compositions de Wagner ! Et il laissait certainement toujours passer les dames en premier. Toutefois, avait-il de la morale ? Pas la moindre ! Il était le fonctionnaire le plus élevé dans la hiérarchie nazie qui autorisa par écrit la Solution Finale. Moralité et culture n’ont rien à voir l’une avec l’autre. La vertu et la moralité proviennent d’une source divine et aucune culture ne peut les remplacer. »
A Pessah, nous célébrons la délivrance du peuple hébreu d’un endroit de simple culture à un monde de moralité. Nos ancêtres laissèrent derrière eux les pyramides, les hiéroglyphes, l’agriculture de pointe, la musique de la culture dominante pour se rendre dans le désert, afin d’apprendre des principes d’éthique relevant d’une humanité authentique et d’une civilisation totalement différente, dont la morale est le socle.
A Pessah, nous devons nous percevoir comme quittant nous-mêmes l’Egypte, en faisant une plongée en nous- mêmes pour faire le point de notre culture et de notre morale.
Comme vous, je préfèrerai toujours la femme ou l’homme simple mais vertueux, à celles et ceux qui sont brillants, cultivés, séduisants, mais à l’éthique contestable.
Hag Sameah
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