Page 91 - Mémoires et Traditions
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                  Les dons Camondo
  C’est en 1910, après le décès de Madame Nissim de Camondo, que Moïse et Isaac répartissent les objets entre la synagogue de la rue Buffault et le Musée de Cluny – choix déterminé par la présence dans ses murs d’une salle juive née du don de la collection Strauss. Les objets ottomans les plus anciens (le rideau, le sefer d’Abraham Camondo), mais aussi une magnifique série de meguillot Esther italiennes et ottomanes, peintes parfois au XVIIIe siècle, sont dévolus au musée en novembre 1910 ; les plus récents, encore en usage, à la synagogue. Ce sont 31 objets provenant de l’oratoire qui sont offerts, deux candélabres en argent massif du XVIIe siècle, deux paires de rimonim, des mains de lecture, des couronnes de Torah, deux porte- loulav en forme de citron en argent , des sefarim, des manteaux de sefer... Parmi ceux-là, de nombreux objets ont une valeur familiale et permettent d’en suivre l’évolution.
Les donateurs souhaitaient même que certains objets rituels ne soient pas déposés dans un « trésor », mais utilisés régulièrement : dans une lettre au président de la commission administrative de Buffault, Isaac de Camondo précise : « Ces candélabres ont toujours été utilisés pour les cierges que nous allumions le jour de Kippour à la mémoire de nos parents les comtes Abraham et Nissim de Camondo. Je désire qu’ils restent affectés à cette destination tant que nos descendants feront brûler des cierges à l’occasion de cette fête25. »
D’ailleurs, une partie des objets rituels, telle une couronne de Torah d’origine ottomane, reçoivent alors des dédicaces en mémoire de membres de la famille. De même, des objets très personnels intègrent les collections de Buffault : ainsi la hanoukia en filigrane offerte à Raphaël Camondo par Sassoon David Sassoon (1864) ou le tass réalisé par l’orfèvre parisien Otterbourg et offert à l’oratoire familial en 1872 pour la bar mizvah d’Isaac de Camondo... Une remarquable série de les rimonim offrent des styles très variés, les uns, formant de véritables tours de trois étages et datés de 1780, proviennent de Turin, d’autres, d’origine ottomane, suivent un dessin orientaliste ou prennent la forme des temples.
Une distinction dans la valeur historique des objets est donc perceptible à travers cette répartition, puisque les plus anciens ou ceux qui ne sont plus en usage sont attribués au Musée de Cluny pour compléter la collection Strauss, les autres intégrés aux collections de la synagogue se retrouvent dans un contexte que l’on peut qualifier d’identitaire.
Les dons somptueux des Camondo rejaillirent sur la fierté de tous les Juifs « sépharadis » qui saluèrent la donation du
Musée Nissim de Camondo, comme un acte de mémoire non seulement de la famille, dont le nom s’était éteint avec cet aviateur « mort pour la France le 5 septembre 1917 », mais aussi de leur communauté. Jacques Biélinky s’en fit le porte-parole en précisant : « Pour la première fois dans l’histoire des arts en France, un musée national portera le nom d’un israélite sépharadi, grand protecteur des arts. »
 Détail d’un candélabre offert par Abraham de Camondo.
 24 - Nora Seni et Sophie Le Tarnec, Les Camondo. L’éclipse d’une fortune, Arles, Actes Sud, 1997
25 - Lettre du 6 juillet 1910, citée par Anne Hélène Hoog, La splendeur des Camondo, op.cit., p. 124.
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