Page 199 - Mémoires et Traditions
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                  Edmond-Maurice Lévy
  certificat d’allemand à la Sorbonne ce qui lui permet ensuite d’effectuer un séjour d’une année dans ce pays. Entre-temps, il s’est lié d’amitié avec Paul Hildenfinger qui prépare ses études à l’école des Chartes et fait la connaissance de Charles Péguy. L’affaire Dreyfus réunit les trois étudiants lors des manifestations qui s’engagent pour la cause dreyfusiste. Avec les élèves de l’Ecole Normale Supérieure encouragés par leur bibliothécaire Lucien Herr, Edmond-Maurice Lévy partage les remous politiques de la IIIe République et, fidèle aux idéaux républicains, estime que la démocratie est en danger.
Edmond-Maurice Lévy, qui n’a jamais douté de sa judéité et qui reste fier de sa double origine (portugaise et alsacienne), fait preuve dès cette époque d’un esprit tolérant et ouvert. Ainsi, cette rare qualité lui permet d’être davantage apprécié par l’écrivain Péguy qui fonde Les Cahiers de la Quinzaine en 1900. Sans doute, après maintes discussions sur le judaïsme et les Juifs dans le quartier latin avec Edmond-Maurice Lévy, Charles Péguy peut enfin écrire dans Notre jeunesse (1910) : « Les antisémites ne connaissent point les juifs. » Dans cet ouvrage passionné et célèbre où il interpelle son « cher Lévy », Péguy rend d’ailleurs hommage à ses amis israélites : « Je les ai trouvés toujours solides au poste, (...), d’une amitié réellement mystique, d’un attachement, d’une fidélité inébranlable à la mystique de l’amitié. »
Cette profonde affection durera jusqu’à la mort de Péguy au champ d’honneur en 1914 lors de la bataille de la Marne. En privé, l’écrivain catholique le désignait comme étant son « chapelain hébraïque ».
Lecteur infatigable, toujours soucieux de connaître davantage, Edmond-Maurice Lévy décide de se consacrer à l’univers des livres et est reçu second au concours de bibliothécaire universitaire en 1903. Nommé à la Sorbonne, il conseille plusieurs générations d’étudiants. Son érudition étonne ses contemporains. Il semble connaître les sujets les plus divers et les ouvrages les plus rares. Au fil des années, il est devenu la référence obligée pour quiconque souhaite rédiger une thèse originale.
Il reste proche de sa ville natale et lors de ses congés, il se rend fréquemment à la demeure familiale. A Paris, il habite toujours dans le cinquième arrondissement, près des librairies et des bibliothèques. La proximité de l’oratoire Vauquelin lui permet d’assister aux cours de religion dispensés au Séminaire israélite de France et de se lier avec son directeur, Joseph Lehmann qui de 1878 à 1882 fut le rabbin du temple Buffault. Par la suite, il fait la connaissance de la famille Bauer dont le père,
Jules Bauer, succède à Joseph Lehmann. En juin 1908, il se marie avec Mademoiselle Marie Job, une nancéenne. Le couple aura quatre enfants : Sophie, Hélène, Philippe et Edmond.
Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il est affecté au service de la censure d’abord à Bayonne puis à Paris. Ensuite, il est chargé par le ministère de la Guerre d’organiser le Musée des Souvenirs au Val de Grâce tout en assumant ses fonctions à la bibliothèque universitaire. Ayant réussi le concours de bibliothécaire en chef du Conservatoire des Arts et Métiers en 1930, il quitte alors la Sorbonne.
Malgré ses mérites reconnus par ses pairs puisqu’il est officier de la Légion d’honneur et de l’Instruction publique, les ordonnances antisémites d’octobre 1940 assombrissent sa carrière. Il est mis d’office à la retraite.
Le voilà déchu de son poste auquel il portait un dévouement sans faille. Ses collègues ne lui apportent pas le réconfort espéré. Il doit quitter son logement de fonction et trouve un appartement bon marché dans le 13e arrondissement. Comme sa sœur qui continue à œuvrer pour ses patients, il fait le choix de rester à Paris malgré les risques encourus. Une fois, il réussit à échapper avec sa femme à une arrestation. Désormais, pendant quatre années, il se réfugie dans la lecture. Les œuvres complètes de Voltaire en soixante-douze volumes lui permettent de fuir la réalité et la déception.
Face à l’exclusion, il se rapproche du temple Buffault. Plusieurs de ses amis participent à la vie religieuse et communautaire de ce foyer séfarade qui rassemble des Juifs portugais, ottomans et algériens. Paul Bauer en a été le rabbin de 1937 jusqu’en 1940 tandis que Moïse Salzédo, originaire lui aussi de Bayonne, en assume la présidence.
Malgré le port de l’étoile jaune, Edmond- Maurice Lévy devient un fidèle assidu du temple. Lorsque l’Union générale des israélites de France (UGIF) est créée en novembre 1941par le Commissariat général aux questions juives dirigé par Xavier Vallat avec pour fonction « d’assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics, notamment pour les questions de prévoyance et de reclassement social. », il décide de garantir le maintien du culte aux rares fidèles. Avec les synagogues des rues de la Victoire et de Nazareth, le temple Buffault assure encore les offices malgré l’occupation allemande. Aux côtés du grand rabbin Mathieu Wolff (qui sera déporté en juin 1944 dans le convoi 76) et de Jacques Mosseri, il est présent régulièrement aux offices.
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