Page 43 - Mémoires et Traditions
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   Vers la Renaissance
  particulière du fait de leur origine.
Ils bénéficient tout d’abord de la solidarité et de la volonté des dirigeants non Juifs de la communauté géorgienne de protéger ses ressortissants Juifs.
En 1941-1942, les allemands souhaitent établir de bonnes relations avec la colonie géorgienne en vue de l’ouverture du front avec l’URSS et désireux de s’attacher le soutien du gouvernement national géorgien en exil à Paris, ils acceptent des concessions.
Les Juifs géorgiens vont ainsi bénéficier de l’ordonnance allemande qui insiste au début sur le caractère religieux des Juifs, et ils vont échapper aux lois antisémites de Vichy qui définissent le ”Juif” comme appartenant à une race.82 Fut alors créé un comité composé de géorgiens non Juifs, qui avait autorité à décider d’une part qui était Juif d’origine géorgienne et d’autre part à fournir les documents acceptés par les allemands et reconnus par les autorités françaises. Ce comité permit de sauver non seulement les Juifs géorgiens mais également des Juifs orientaux d’autres communautés dont les noms furent « géorgianisés».83
La défaite allemande sur le front caucasien en été 1943, change la donne.
Les Juifs géorgiens sont alors considérés comme leurs autres coreligionnaires et ne doivent leur salut qu’aux courageuses et efficaces interventions de personnalités géorgiennes non Juives.84
Par ailleurs, La répression s’abat de plus en plus sur les Juifs parisiens ce qui fait écrire au grand rabbin Julien Weill : « Sortirons-nous bientôt de ces tribulations ? Espérons quand même 85 ! ». La résistance spirituelle ne suffit plus et désormais, les droits religieux des israélites sont bafoués. Plusieurs rabbins sont arrêtés dont Mathieu Wolff dans l’Allier ce qui oblige le Consistoire Central a prendre la décision de fermer les lieux de culte à partir de janvier 1944. Pourtant, les principaux temples parisiens restent encore ouverts au public même s’il n’y a plus de fidèles.
VERS LA RENAISSANCE
À la fin de l’Occupation, plus de 75 000 Juifs de France ont disparu dans la tourmente. Comme les autres communautés, celle du temple Buffault se réorganise alors que son rabbin Mathieu Wolff a été assassiné à Auschwitz en juillet 1944 avec sa femme. Dès la Libération, à l’occasion des fêtes d’automne, le temple se remplit grâce aux efforts soutenus d’Edmond- Maurice Lévy, de Sammy Lattès et du ministre officiant Roland Mossé. L’année suivante, Paul Bauer reprend son service sacerdotal et, en
juillet 1946, il célèbre un service solennel à la mémoire des victimes. Il faut maintenant relever le défi et « adopter des méthodes nouvelles86 » pour réunir à nouveau les fidèles. Aussi, des conférences et des cours sont dispensés aux adultes.Desintervenantsextérieursautemple sensibilisent les fidèles sur l’engagement communautaire car il faut désormais assurer la relève du judaïsme meurtri. Mais il manque à l’appel de nombreux Ottomans et Algériens.
Les mariages sont rares et peu d’enfants sont inscrits au talmud Torah. La communauté peine à retrouver sa vitalité d’avant-guerre d’autant plus qu’il n’y a pas d’immigration juive séfarade au cours de la décennie pour la dynamiser. Les administrateurs savent que les mentalités ont changé avec l’Occupation et la trahison du régime de Vichy. L’israélite français, par les épreuves endurées, n’a plus la conscience d’avant-guerre. Les traumatismes sont durables même si le judaïsme consistorial, à l’image du gouvernement, prône la réconciliation et la reconstruction. Il est vrai que la situation est préoccupante pour l’avenir87. De nombreux Juifs ont abandonné la foi de leurs aïeux, d’autres ne se reconnaissent plus dans les institutions. Comme l’ensemble des communautés, le temple Buffault ressuscite au moment des grandes fêtes, sinon il est plus ou moins vide. Pourtant, Edmond-Maurice Lévy, qui préside à sa destinée depuis 1945, défend les intérêts d’une identité séfarade auprès des organisations juives largement dominées par les notables ashkénazes.
Comme son prédécesseur Numa Alphandéry, il représente le judaïsme séfarade au Consistoire de Paris, à l’Alliance israélite universelle et à l’Union sioniste de France. Fait nouveau dans l’histoire de la communauté portugaise : le temple s’associe désormais aux manifestations sionistes ce qui témoigne d’une rupture avec l’engagement assez tiède des israélites français. Ainsi, en avril 1956, pour le huitième anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, en présence du Consul général et des autorités consistoriales, il célèbre « la réalisation de l’espérance millénaire de la Maison de Jacob, la réalisation des promesses divines inscrites dans nos Livres Saints.» Il a soin cependant de rappeler que les israélites français restent attachés à leur patrie même s’ils «conservent pour l’antique patrie des Ancêtres, pour la Terre promise une vénération d’un caractère tout particulier88. » Le président a soin de souligner que les Portugais, depuis le XVIIIe siècle, ont toujours soutenu leurs frères de Palestine et qu’à ce jour, le temple Buffault est l’un des plus actifs pour les collectes en faveur de l’Etat d’Israël.
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