Page 54 - Mémoires et Traditions
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                   De même, le temple portugais est le seul édifice israélite de cette génération qui respecte l’orientation du héchal vers Jérusalem... Le maintien de cet usage est lié à l’indépendance que la Société Civile avait prise vis-à-vis du système consistorial : en effet, pour les deux grandes synagogues construites à ce moment- là, avec un cofinancement Consistoire-Ville de Paris, rue de la Victoire et rue des Tournelles, les architectes durent s’accommoder de parcelles fournies par la Ville qui ne permettaient pas l’orientation des arches saintes. L’architecte du Consistoire Alfred Aldrophe, juif lui-même, ne pouvait ignorer cette tradition, mais dut orienter plein Nord l’abside de sa synagogue dont la façade se dresse rue de la Victoire.
Libres de choisir le terrain, qu’ils achetèrent à l’Assistance Publique, non loin de l’emplacement de leur ancienne synagogue, les Séfarades purent établir un plan basilical disposant l’arche sainte à l’Est. Il n’est pas exclu que ces Juifs séfarades aient manifesté un attachement à leur tradition d’autant plus farouche qu’ils se sentaient minoritaires et voués à disparaître encore plus rapidement devant l’afflux incessant d’Alsaciens-Lorrains, mais aussi d’Allemands, puis de Juifs originaires des communautés de l’Europe centrale. C’est un argument exprimé par Osiris lui-même lorsqu’on lui demanda de justifier ses exigences : « M. Osiris a déclaré d’une manière absolue qu’il voulait affirmer le rite que sa famille et lui avaient suivi, avec les prières et les chants duquel il avait grandi et dont, par son offrande, il entendait consacrer définitivement le rituel ; ne voulant pas, ajouta-t-il, qu’au temple de la rue Buffault on puisse imiter ce qui se fait à celui de la rue de la victoire10 . »
L’efficacité même des tractations rendit les Séfarades capables de construire leur temple en un an, là où les travaux liés à la Ville de Paris pour les synagogues consistoriales avaient duré de 1865 à 1874 et 1876... En juillet 1875, Osiris propose de prendre en charge la construction, mais les négociations durent un an, car ses conditions ne faisaient pas l’unanimité. En revanche, quand l’accord est passé, en juillet 1876, le chantier de construction débute le mois suivant et la synagogue est prête pour l’inauguration début septembre 1877.
10 - Propos rapportés par Me Léon Cléry, lors du procès en Cour d’Appel, dans les pièces justificatives de sa Plaidoirie, 1886, p. 127.
Osiris avait à sa disposition un architecte, Stanislas Ferrand, qui lui aurait été recommandé par Adolphe Crémieux lui-même, et qui était connu pour recourir à des matériaux modernes selon des procédés techniques habituels dans les constructions industrielles : ainsi pour obtenir un grand volume sans supports gênants, il emploie des fermes métalliques et de bois et, pour décharger les colonnes de la majeure partie du poids de la voûte, il fait reposer le pied des fermes sur les murs mitoyens et non sur les colonnes. Malgré la rapidité d’exécution, le temple de la rue Buffault présente deux grandes qualités, d’une part, son agencement interne qui respecte la tradition avec téba centrale et bancs disposés autour et se faisant vis-à-vis, d’autre part, la richesse de sa décoration symbolique.
  La façade du temple.
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