Page 7 - Bulletin n°45
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 Lettre de Maxi Librati envoyée de Drancy à ses parents à Lyon. Après l’avoir reçue, ses parents écriront candidement au maréchal Pétain pour demander la libération de Maxi qui avait déjà été déporté à Birkenau.
  Paris, le 31 août 1943
Chers parents, frères, et sœurs,
Je vous écris cette lettre pour vous donner de mes nouvelles. Nous avons tous été convoqués pour être déportés quelque part en France, ou à la frontière allemande. Nous sommes trois camarades qui ne nous séparons pas. Nous avons un très bon moral. Surtout, ne vous faites pas de mauvais sang pour moi, car vous pouvez, je vous assure, avoir confiance en votre fils Mardoché. Je travaillerai, puisque j’en suis capable. Vous n’avez pas à vous inquiéter sur mon sort, car, comme vous le savez, nous mangeons très bien, et nous avons été habillés complètement.
Je vois Françoise, Sol, Mariette, et Marcelle, qui ainsi partent avec moi. Elles ont versé quelques larmes, mais avec moi ; je leur remonte le moral.
Je vous écris cette lettre en vitesse, car je n’ai guère le temps. Nous avons un très très bon moral, et malgré ce départ nous sommes très joyeux tous les trois, puisque nous vous savons en sécurité.
On dit que les voyages forment la jeunesse, alors ne vous faites pas de mauvais sang. N’importe où nous allons, nous serons traités comme il faut, si nous avons la volonté de travailler.
Vous, chers frères et sœurs, je pense à vous, et je remercie Dieu de vous savoir près de mon père et de ma chère maman. Ne vous laissez pas abattre. Prenez la vie comme elle vient, car vous pouvez avoir confiance en votre fils, qui lui a un très bon moral, se porte mieux que jamais, et est encore jeune, avec beaucoup d’espoir de vous revoir bientôt, plus tôt que vous ne le pensez.
Maman chérie, je comprends ta peine, avec celle de Papa. Mais que voulez-vous, c’est la vie. Je me suis débrouillé à vous écrire. Ne vous en faites pas ; chaque fois que je pourrai, je tâcherai de vous écrire. Surtout, ne vous faites pas de mauvais sang si vous ne recevez pas de mes nouvelles. J’espère, chers parents, que vous vous portez bien, ainsi que mes frères et sœurs. Je voudrais que vous puissiez me voir, comme j’ai grossi et bronzé.
Maman chérie, j’espère que ma lettre te trouvera en parfaite santé, avec un bon moral, si tu ne veux pas être fatiguée. Passe le bonjour aux camarades et amis. Embrassez bien mon oncle et ma tante Marcelle, que j’aime beaucoup, ainsi que ses enfants, la Perlette, M. et Mme Bounan, Nina, son mari et sa famille, enfin tous ceux qui demandent après moi, Schneider, Amiral,
particulièrement la famille Christo, qui me rend un grand service, mon chef, directeur, et camarade.
Je vous demande encore une fois, très chers Papa, Maman, frères et sœurs, de ne pas vous en faire. Je vous en supplie. Pensez à vous, je me débrouillerai de mon côté.Ne m’envoyez pas de réponse.
Nous autres les célibataires sommes tous ensemble. Il en arrive presque tous les jours de Paris. La plupart sont de là. Je n’ai plus rien à vous dire pour le moment.
Je suis content, très content, de vous savoir en sécurité. Un petit voyage, je vous assure, chers parents, cela ne nous fera pas de mal, puisque nous allons voir du pays et que quand nous serons réunis, je pourrai vous raconter mon histoire, qui commence à être belle, pleine d’imprévu, de courage, et de volonté.
Ici, dans le camp, on achève les préparatifs pour mille personnes. Le départ est proche. J’ai avec moi deux couvertures très chaudes, ainsi que deux gros pull- overs, du linge de camp, trois chemises, trois paires de chaussures, deux maillots de corps, un béret, un blouson, un manteau, une paire de chaussons, des galoches, des brodequins, une paire de pantoufles. Il ne me manque donc rien.
Pour nous, c’est la grande aventure qui continue, et nous nous engageons joyeusement. Aussi, ne nous en faisons pas !
Je termine ma lettre, cher papa, chère maman, en vous embrassant du plus profond de mon cœur, ainsi que mes petits frères Marcel, Elie, Roger, Aymé, etc., ainsi que mes petites sœurs Rachel, Messodie, Paulette, Alice, Marie, Lisette, et Antoinette. Toutes mes pensées sont à vous,
Celui qui pense à vous, et pour la vie,
Mardoché.
P.S. : Encore une fois, ne vous inquiétez pas pour moi, pensez d’abord à vous, à mes frères et sœurs. Maintenant que je suis endurci, je suis un homme, vous pouvez me croire. Je prends la vie du bon côté. Je vous embrasse encore tous. De gros baisers à toi, cher Papa, ainsi qu’à toi, Maman chérie. Que ma lettre te trouve en bonne santé, et avec une grande confiance en l’avenir et en ton fils chéri. Gros baisers à tous, à tous les enfants, et à bientôt. La Marcelle, la Mariette, la Françoise, la Sol, la Sarah, adressent de gros baisers à leurs familles. Ayez tous beaucoup d’espoir...
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