Page 17 - Mémoires et Traditions
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                  De la clandestinité à la citoyenneté
  de repos en 1785 à Montrouge. À l’aube de la Révolution française, le royaume compte environ 40 000 Juifs dont 6 000 Portugais et Comtadins. A Paris, leur nombre dépasse 500 âmes et les Séfarades représentent environ 8% de la communauté. Les Allemands possèdent quatre oratoires et deux auberges assurant la restauration cascher Quant à la minorité séfarade, elle a deux lieux de culte et deux confréries. David Silveyra représente désormais les intérêts des Portugais et des Italiens quant à Moïse Pimentel, il s’occupe des Avignonnais. L’oratoire portugais est fréquenté par une quarantaine de fidèles. Selon certaines sources, l’usage de la langue espagnole est abandonné pour les sermons au profit du français14.
L’effervescence politique ne laisse pas les Séfarades indifférents. Informés par leurs coreligionnaires du Sud-Ouest que ces derniers participent aux élections des députés pour la convocation des Etats Généraux en mai 1789 et que ceux d’Alsace, par l’influence de Cerf Berr, préparent un cahier de doléances, ils se sentent frustrés. Après l’effondrement de la monarchie absolue, apprenant que l’Assemblée nationale constituante prépare une déclaration sur la citoyenneté, ils décident de s’unir aux Allemands pour revendiquer leurs droits. Les israélites parisiens constituent un comité composé de onze représentants dont quatre Portugais. Tous espèrent que « dans cet Empire, qui est notre patrie, le titre d’homme nous garantit celui de citoyen ; et le titre de citoyen nous donnera tous les droits de Cité, toutes les facultés civiles, dont nous voyons jouir, à côté de nous, les Membres d’une Société dont nous faisons partie15. » Pour la première fois, ils s’érigent contre les préjugés et aspirent à l’émancipation politique, juridique et sociale. Cependant, leurs doléances ne sont pas encore entendues par l’Assemblée. Impatients, revendiquant leurs Lettres patentes et soutenus par les Juifs bordelais, ils se désolidarisent des Allemands et multiplient les contacts avec des députés favorables à leur cause.
Au nom de la Nation portugaise, les Bordelais Salomon Lopès Dubec et David Gradis rédigent un mémoire et le soumettent à l’Assemblée le 27 janvier 1790. Le lendemain, au terme d’un débat houleux, par 374 voix contre 224, les Séfarades sont officiellement émancipés et « jouiront des droits de citoyens actifs. » (Décret de 1790) Cette date historique retiendra l’attention de Daniel Osiris qui la fera graver sur l’une des plaques du temple Buffault. Quant aux Allemands, leur émancipation est plus tardive : le 28 septembre 1791.
Le cimetière en 2010.
7 - Maurice Liber et Alexandre Marx,
« Le séjour d’Azoulai à Paris. », Revue des Etudes juives, tome 65, 1913, p. 258. 8 - François Lustman, De l’émancipation à l’antisémitisme : Histoire de la communauté juive de Paris 1789-1880, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 50-52. 9 - Mardochée Venture, Prières journalières à l’usage des Juifs espagnols et portugais, Nice et Paris, 4 volumes, 1772-1783.
10 - Cité par Gérard Nahon, Métropoles et périphéries séfarades d’Occident, Paris, Cerf, 1993, p. 179.
11 - Gérard Nahon, « Papiers de la communauté des juifs portugais de Paris de 1785 à 1790. », Revue des Etudes juives, tome CXXIX, janvier – mars 1970, p. 43-65.
12 - Léon Kahn, Le Comité de Bienfaisance, Paris, Durlacher, 1886, p. 94-111.
13 - Paul Hildenfinger, Documents sur les juifs à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1913, p. 235-236.
14 - Maurice Liber, Les Juifs et la convocation des Etats Généraux (1789), Louvain, Peeters, 1989, p. 82.
15 - Adresse présentée à l’Assemblée Nationale par les Juifs résidant à Paris, Paris, Imprimerie de Praut, 1789, p. 3.
Décret du 28 Janvier 1790 confirmant la citoyenneté aux Juifs portugais
et avignonnais.
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