Page 22 - Mémoires et Traditions
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                    Adolphe Crémieux (1796 - 1880).
En août 1829, afin d’apaiser les esprits, le Consistoire de Paris leur cède les locaux de l’ancienne école israélite de la rue Neuve Saint-Laurent qui se situe derrière la grande synagogue. Jacob Silveyra élabore les plans pour la nouvelle esnoga (synagogue en ladino) qui aura plus de 100 places. Mais l’administration consistoriale, sans prendre en compte l’avis des intéressés, impose l’ouverture d’une terrasse pour y établir une soucca. Tous les frais sont supportés par la communauté et il faut la perspicacité des notables séfarades pour que Jacob Bassan, le nouveau ministre officiant,
obtienne le traitement alloué par l’Etat (loi du 6 août 1831) au personnel du culte israélite. Jean-François (Abraham) Cagnard, un converti au judaïsme de longue date, est le bedeau et secrétaire du petit temple34. Le Consistoire de Paris fait régulièrement face aux récriminations des Portugais.
Mais les critiques des frères Péreire, directeurs des chemins de fer ou des grands négociants comme Elie Brandon et Nissim Sciama, ne sont guère entendues. Parfois, le rabbinat fait preuve d’indélicatesse. Ainsi, le grand rabbin Marchand Ennery oblige les administrateurs à interdire l’entrée du temple aux enfants lors des grandes fêtes sous prétexte qu’il n’y a pas assez de places ! Cette attitude est d’autantplusincompréhensiblequel’indifférence religieuse frappe sévèrement la population et qu’une frange de la bourgeoisie portugaise est en rupture avec la tradition. Certaines conversions au catholicisme sont retentissantes comme celles de la femme d’Adolphe Crémieux et de Nanci Rodrigues. Afin de parer à la désaffection du public, la commission des Portugais propose au Consistoire la fusion des deux rites pour « qu’un temple ouvre généreusement ses portes à tous les fidèles35. » L’idée est aussitôt refusée par l’élément ashkénaze.
À la fin de la Monarchie de Juillet, le projet est à nouveau évoqué lorsque la synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth menace de s’effondrer et qu’il faut la rebâtir pour satisfaire les besoins spirituels d’une communauté forte de 10 000 âmes36. Le temps des travaux, les Allemands prient dans le temple séfarade tandis que le grand rabbin, estimant la construction de deux temples trop coûteuse, envisage la fusion des rites. Les Séfarades n’y sont pas encore opposés. À cet effet, les grands rabbins des consistoires de Marseille, Bordeaux et Saint- Esprit ont donné un avis favorable37. Plus vaste, la synagogue réunira les deux communautés. Entre-temps, les fidèles ont déménagé et trouvé un local rue du Sentier. Leur départ précipité démontre une fois de plus que le Consistoire de Paris n’a pas été très diplomate : « On força les Israélites portugais à enlever les ornements du temple et tous les accessoires, on traita ces Israélites en parias, on les expulsait38. » Conscient que la promesse consistoriale ne sera pas respectée, l’administrateur Nissim Sciama préfère démissionner. Il est alors remplacé par Téléphe Astruc et Victor Monteaux.
 34 - Philippe Landau, « Se convertir à Paris au XIXe siècle. », Archives Juives, n° 35/1, 1er semestre 2002, p. 37.
35 - Les Archives israélites, 1844, p. 674.
36 - Sur la synagogue, voir Dominique Jarrassé, Guide du patrimoine juif parisien, Paris, Parigramme, 2003, p. 65-69. 37 - ACIP, Procès-verbaux, registre AA.4 (juin 1847 – août 1854), séance du 14 février 1850.
38 - L’Univers israélite, 1852, p. 301.
39 - ACIP, Correspondance, boîte B.27 (1849-1850), lettre du 17 décembre 1849.
40 - L’Univers israélite, 1851, p. 541.
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